Sara Cigada
Università Cattolica di Milano
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Les signaux linguistiques de l'appel aux émotions. Quelques exemples tirés des discours de Pétain (1940-1941)

L'appel à l'émotion dans le discours visant à persuader a été le sujet de plusieurs études, à partir de la Rhétorique d'Aristote jusqu'à "The Place of Emotion in Argument" de Douglas Walton (1992), même si le rôle des émotions a été évalué de manière très différente dans la théorie de l'argumentation.
Il semble aussi que, dans ces dernières années, l'appel aux émotions soit de plus en plus reconnu comme un élément constitutif du discours argumentatif. Comme le dit Ruth Amossy (2000, 168): "l'affirmation d'une suprématie de la raison comme de la passion suppose au départ la possibilité de les distinguer nettement" (de même, les premiers 5 volumes de "Rhetorik" éditée par Uelig, notamment les entrées 'movere', 'delectare', etc., aussi bien que le "Dictionnaire" de Chataudeau et Maingueneau, 2002, témoignent de l'intérêt pour ce sujet).
Dans le cadre de l'analyse du discours, par ailleurs, les émotions ont été analysées sous une perspective sociolinguistique, par exemple dans les travaux de Claudia Caffi ou dans ceux de Véronique Traverso, où on trouve des analyses 'ritualistes' des émotions exprimées dans le discours, par rapport aux théories de Goffman.
Dans le cadre de la linguistique général, l'ouvrage de Catherine Kerbrat-Orecchioni "La connotation" demeure fondamentale. Dans sa récente contribution parue dans "Les émotions dans les interactions" (2000), elle présente une synthèse des études de linguistique sur ce thème au XXe siècle.
Cependant, il est bien difficile de détecter les structures linguistiques qui caractérisent le discours visant à susciter une émotion chez l'allocutaire. Ce type de recherche a été entrepris par Christian Plantin, qui continue le travail de Ducrot sur les topoï, en le reliant à l'analyse sémantique.
A partir de la technique proposée par Plantin et, au même temps, des acquis de la théorie de l'argumentation par rapport à la manipulation, il est possible d'indiquer les éléments "émotifs" ou "pathémiques" qui jouent un rôle démesuré par rapport à la structure du discours de persuasion. C'est ce que nous avons essayé de déceler en analysant quelques discours du Maréchal Pétain.